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Des coups de feu ont fait cinq blessés, mineurs, dont une victime en urgence absolue, jeudi 31 octobre, devant un restaurant du quartier des Couronneries à Poitiers, selon le procureur de la République de Poitiers, Cyril Lacombe.
Le parquet a ouvert une enquête pour tentative d’homicide, précisant que le tireur présumé, selon les premiers éléments de l’enquête, « se serait livré à la vente de produits stupéfiants », dans le secteur où les faits se sont produits, « au cours des jours précédents ».
Selon Cyril Lacombe, un suspect dont l’identité est en cours de vérification, « présent depuis quelques semaines dans la ville », est recherché. Lors d’une perquisition vendredi matin dans un logement qu’il aurait occupé, sept munitions du même calibre que les onze retrouvées sur les lieux de la fusillade, ainsi que « des éléments partiels d’une arme démontée », ont été saisis par les enquêteurs.
D’après le procureur, les services de police de Poitiers ont été appelés sur les lieux par un particulier à 22 h 46, les avisant que « plusieurs coups de feu » avaient été entendus sur la place de Coimbra, à hauteur d’un restaurant kebab. « L’ensemble des unités disponibles sur la circonscription ont alors convergé vers ce lieu », toujours d’après le procureur qui s’exprimait vendredi après-midi lors d’un point presse.
Les forces de l’ordre ont trouvé un premier blessé au sol, touché par balles à la tête. Agé de 15 ans, il a été hospitalisé en état d’urgence absolue, son pronostic vital étant engagé. Deux autres adolescents ont été blessés par balle, l’un de 16 ans à une épaule, l’autre de 15 ans à une cheville. Ils ont été pris en charge par les secours. « Deux autres victimes plus légèrement touchées se rendaient ultérieurement par leurs propres moyens à l’hôpital », a ajouté le procureur, et « leurs jours ne sont pas en danger ». Toutes les victimes sont des mineurs, « nés en 2008 et 2009 » et résident à Poitiers, a-t-il précisé. Onze douilles « qui auraient été tirées par arme semi-automatique de type 22 long rifle » ont été retrouvées aux abords du restaurant, selon le parquet.
Sur les lieux, « les services de police ont été au contact d’une soixante de personnes qui souhaitaient être informées des événements ainsi que de s’approcher de la scène de crime pour savoir ce qu’il s’était passé », a poursuivi le procureur de Poitiers. Les forces de police ont utilisé « trois grenades lacrymogènes pour repousser les ardeurs de ces badauds » afin de « geler » la scène, alors que ces derniers faisaient preuve de « véhémence », selon lui. Deux témoins présents sur place ont été pris à partie « comme étant susceptibles de connaître l’identité du tireur », une troisième personne « étant désignée par la clameur comme pouvant connaître ce dernier », a ajouté le procureur.
« Aucune dégradation n’a été commise tant sur les commerces que sur les véhicules stationnés y compris ceux des forces de l’ordre » dans le quartier des Couronneries, a affirmé devant la presse M. Lacombe. Celui-ci a précisé que « le calme était rétabli vers 23 h 30 ».
Un peu plus tôt dans la journée, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, avait affirmé sur BFM-TV/RMC qu’entre « 400 et 600 personnes » étaient impliquées, citant un compte rendu du préfet de la Vienne, Jean-Marie Girier, précisant ensuite que toutes n’avaient pas participé à la bagarre. Selon la police et le parquet, les échauffourées n’ont concerné que « 50 à 60 personnes ».
Selon le préfet de la Vienne, le quartier concerné, où vivent environ 10 000 habitants, abrite « deux ou trois points de deal qui sont importants et mobilisent beaucoup la police nationale au quotidien », mais il reste « relativement calme » : « Il n’est pas tenu par les dealers, même s’il peut y avoir des tensions », a dit Jean-Marie Girier en appelant les familles « à ne pas laisser des mineurs dans la rue en soirée ». Le quartier est classé prioritaire de la politique de la ville (QPV). Des renforts de forces mobiles doivent y être déployés vendredi soir.
La maire écologiste de Poitiers, Léonore Moncond’huy, qui s’est rendue aux Couronneries vendredi matin, a évoqué « un épisode inédit » dans l’histoire de cette ville, qui « témoigne d’une évolution assez lourde de la société ». Mme Moncond’huy a également souligné que le quartier avait beaucoup pâti des violences urbaines de l’été 2023 après la mort du jeune Nahel en Ile-de-France. « On est à côté du commissariat qui n’a pas encore rouvert », a-t-elle mentionné devant la presse, plaidant pour un renforcement des moyens de sécurité sur le terrain.
« Les “narcoracailles” n’ont plus de limites (…). Ces fusillades, ça ne se passe pas en Amérique du Sud, ça se passe à Rennes, à Poitiers (…). On est à un point de bascule », a déclaré le ministre de l’intérieur dans la matinée sur BFM-TV. « Il ne faut pas découvrir le problème », a ajouté Bruno Retailleau, qui a estimé que ces tirs étaient « liés au trafic de drogue ». « Il s’agit de règlement de comptes », a-t-il poursuivi.
Le ministre de l’intérieur s’est rendu au cours de l’après-midi à Rennes, où un enfant de 5 ans a été grièvement blessé par balles samedi, dans le cadre d’un règlement de comptes lié au trafic de drogue. L’enfant a été blessé lors d’une course-poursuite à Pacé, près de Rennes, alors que la voiture que conduisait son père était prise en chasse par des hommes encagoulés, quelques heures après une première fusillade dans le quartier. Le père, originaire de Maurepas, est lui-même « trafiquant de drogue », et son fils se trouve toujours entre la vie et la mort, selon le ministre.
La CRS 82, spécialisée dans les violences urbaines, avait été déployée dès dimanche dans ce haut lieu du trafic de drogue à Rennes, théâtre de plusieurs fusillades depuis le début de l’année. « Dès ce soir arrive la [CRS] 40, ils vont se relayer » et resteront « tant qu’on n’aura pas retrouvé la tranquillité » dans ce quartier, a expliqué M. Retailleau. Des renforts de policiers de terrain vont également être envoyés à Maurepas pour pouvoir patrouiller sept jours sur sept, au lieu de six jours sur sept actuellement. Des annonces immédiatement saluées par la maire de Rennes, Nathalie Appéré, sur X.
La France, a dit Bruno Retailleau, serait en voie de « mexicanisation », à ses yeux. « Moi, je vois bien d’ailleurs, sur le territoire français, des enclaves, des mini-Etats, des “narcoenclaves” qui sont en train de se constituer. Je vois bien, dans les rapports qu’on me fait, s’étendre la toile de la corruption qui menace jusqu’à notre souveraineté », a-t-il assuré.
Le ministre a répété sa détermination à intensifier les amendes forfaitaires délictuelles contre les consommateurs. Il a de nouveau insisté sur son souhait que le gouvernement reprenne, en les renforçant, les propositions de la commission d’enquête sénatoriale contre les narcotrafics. Il a rappelé qu’une proposition de loi en ce sens était sur le bureau du Sénat et a formé le vœu que ce texte soit voté par le parlement dans les « prochains mois ».
« Nous allons mettre en place une “task force” pour briser l’écosystème » du trafic de drogue, a ajouté M. Retailleau, en insistant sur l’importance d’une « stratégie globale » pour tenter d’endiguer le phénomène.
Le Monde avec AFP
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